Chacun a, un jour ou l’autre, été locataire. Que ce soit pour un appartement, un outil, un hébergement de villégiature ou des bureaux, nous avons tous déjà eu la responsabilité d’un bien appartenant à quelqu’un d’autre. Sans surprise, cela entraine certaines obligations face à la garde de ce bien, notamment quant aux dégradations et dommages survenus pendant le bail.
Toutefois, qu’en est-il de cette responsabilité lorsque le dommage est causé par un tiers? Par exemple, lorsque des invités dans un chalet loué causent des dommages? Ou encore, qu’un livreur embauché par le locataire endommage le quai de chargement?
L’article 1862 du Code civil du Québec[1], jugé d’ordre public par la Cour d’appel[2], permet d’apporter un premier éclaircissement à ces questions :
« 1862. Le locataire est tenu de réparer le préjudice subi par le locateur en raison des pertes survenues au bien loué, à moins qu’il ne prouve que ces pertes ne sont pas dues à sa faute ou à celle des personnes à qui il permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci.[…] »
Les tribunaux et les auteurs de doctrine reconnaissent que cet article fait peser sur les épaules du locataire une présomption de faute, laquelle ne pourra être renversée que par une preuve d’absence de faute du locataire et des personnes à qui il a permis l’usage ou l’accès au bien.
Le locataire peut également s’exonérer en prouvant une cause étrangère, tels la force majeure, l'acte d’un tiers, l’acte du locateur, le vice caché, l'usure normale ou toute autre cause qui relèverait de la responsabilité du locateur[3].
En outre, dans l’éventualité où le locataire n’est pas en mesure d’expliquer la cause du préjudice, il peut tout de même s’exonérer en prouvant que « lui-même et les personnes utilisant le bien ou y ayant accès ont agi en personnes prudentes et diligentes eu égard à toutes les causes probables de la perte »[4].
Par exemple, dans l’affaire Location d’outils Simplex, s.e.c. c. Structures RYD inc.[5], le locataire avait loué auprès de Location d’outils Simplex (« le locateur ») un échafaudage hydraulique. Alors que le locataire avait le bien en sa possession, celui-ci fut endommagé par un de ses employés. La cause du bris étant incertaine et le locataire n’étant pas en mesure de soumettre une preuve d’absence de faute de sa part ou de celle de son préposé, la présomption était applicable et il fut tenu de rembourser au locateur le prix de la réparation du bien.
Par ailleurs, le locataire est-il également responsable des dommages que ses invités causent aux accessoires du bien? À la piscine, le balcon adjacent à l’appartement ou les pneus fournis avec un véhicule loué?
La réponse est oui. L’obligation de l’article 1862 C.c.Q. s’appliquant tout autant au bien loué lui-même qu’à ses accessoires[6]. Le locataire pourra donc être tenu de réparer la porte de garage et la porte de service du local commercial qu’il loue pour exploiter son entreprise et qui ont été endommagées par ses employés[7] ou les dommages causés à un appartement résidentiel en raison des mégots de cigarette laissés sur le balcon par ses invités[8].
En cas d’inexécution par le locataire de son obligation de réparer le préjudice subi par le locateur en raison des pertes survenues au bien loué, le premier alinéa de l’article 1863 C.c.Q. établie les recours qui sont à la disposition du locateur :
- « L’inexécution d’une obligation par l’une des parties confère à l’autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s’agissant d’un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail. »
Être locataire implique donc beaucoup plus de responsabilité que d’effectuer de simples retouches de peinture ou de reboucher les trous sur les murs à la fin du bail. Que le bien loué en votre possession soit un logement, un outil, un véhicule ou un local commercial, vous êtes responsable certes des dommages que vous causez vous-mêmes au bien, mais également de ceux causés par des tiers auxquels vous en avez permis l’usage.
François Nantel
Avocat associé
Myriam Rondeau
Étudiante en droit
[1] CCQ-1991 (ci-après « C.c.Q. »).
[2] Union canadienne (L’), compagnie d’assurances c. Quintal, 2010 QCCA 921.
[3] Marinos c. Turgeon Tetreault, 2022 QCTAL 979, par. 16.
[4] P.-G. JOBIN, Le Louage, 2 éd., Collection Traité de droit civil, 1996, Éditions Yvon Blais, par. 74.
[5] 2014 QCCQ 7441.
[6] J. DESLAURIERS, Vente, Louage, contrat d’entreprise ou de service, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2013, par. 1317.
[7] Garage Auto Shaltas inc. c. Thomas, 2015 QCCQ 3422.
[8] Corporation Dorchester Oaks (Complexe Southwest One) c. Thain, 2021 QCTAL 21523.