En matière d’offre d’achat, un retard de signature, même de quelques jours, donne le droit au vendeur d’être indemnisé, et, à défaut, de considérer l’offre comme caduque. C’est en effet la conclusion de la Cour supérieure dans un jugement récent.[1]
Dans cette affaire, le vendeur était propriétaire d’un complexe immobilier en construction. Ayant rencontré certaines difficultés et essuyé des pertes importantes dans l’aventure, il décide de se départir du projet. Mais le temps presse : ses fournisseurs et sous-traitants, impayés, risquent de publier des hypothèques légales sur l’immeuble, alors même qu’il continue de supporter la lourde charge financière associée au financement de la construction du complexe.
C’est dans ces circonstances que, le 26 janvier 2021, l’acheteur et le vendeur concluent une offre d’achat au montant de 3 000 000$. On y prévoit qu’après une courte période de vérification diligente, la vente doit être conclue le 24 février.
Les choses vont bon train et, le 16 février, la totalité du prix d’achat est déposée dans le compte de la notaire qui doit instrumenter la vente.
Le jour de la signature de l’acte de vente, cependant, coup de théâtre : l’acheteur annonce au vendeur qu’il ne peut passer titre au motif qu’il n’a pas trouvé de couverture d’assurance pour la propriété. Les parties conviennent donc d’un report au 26 février, mais ce délai ne sera pas non plus respecté par l’acheteur. Le tribunal retient des discussions qui s’ensuivent entre les parties que l’acheteur a alors convenu d’indemniser le vendeur pour ce retard, sans que cette indemnisation soit toutefois quantifiée.
Lorsque l’acheteur réussi finalement à faire assurer le projet, le 18 mars, il en informe le vendeur. Ce dernier répond alors qu’il ne lui vendra la propriété qu’à condition que le prix soit majoré.
Outre le préjudice subi en raison du délai de 20 jours, il s’avère en effet que le vendeur avait mis à profit ce délai et avait depuis reçu une nouvelle offre d’achat de 3 900 000$ pour la propriété. L’acheteur refuse toute compensation, maintenant plutôt son prix à 3 000 000$, et entreprend aussitôt une action en passation de titre afin de forcer la vente de l’immeuble.
Dans son jugement, le juge rappelle qu’un tel recours est ouvert à celui qui se voit refuser l’exécution en nature d’un contrat de vente « alors qu’il a lui-même scrupuleusement offert de respecter ses propres obligations »[2].
Or, en l’espèce, l’acheteur avait l’obligation d’indemniser le vendeur pour le délai causé par son retard. Non seulement l’acheteur s’y était-il engagé, mais, rappelle la cour, c’est également ce qu’impose l’article 1735 du Code civil du Québec. En effet, cet article prévoit que l’acheteur doit l’intérêt au taux légal de 5% sur le prix de la vente à compter de l’expiration du délai convenu entre les parties.
Ainsi, le refus de l’acheteur d’offrir tout dédommagement autorisait le vendeur à considérer l’offre d’achat comme nulle et non avenue, sans autre formalité.
L’histoire ne dit cependant pas ce qui serait advenu si le vendeur avait offert, comme seule compensation, les intérêts au taux légal comme le prévoit le Code civil du Québec (soit environ 8 200$). Parions que la tâche de la cour aurait alors été nettement plus complexe!
Julien Poirier-Falardeau
Avocat
[1] 9429-7397 Québec inc. c. 9344-3273 Québec inc., 2021 QCCS 3293 (CanLII)
[2] Id., par.25