Vivement ce retour très attendu à la normalité, mais comment satisfaire les attentes des uns, calmer les insécurités des autres, mobiliser les équipes et adapter les milieux de travail à cette nouvelle réalité du retour? Quels seront les environnements et les modes de travail postpandémie? Ce sont des questions fondamentales que les chefs d’entreprises et les gestionnaires doivent approfondir dès maintenant pour être en mode créatif et adaptatif plutôt que réactif.

La crise actuelle comporte son lot de défis, mais aussi d’opportunités. Les organisations doivent revoir leur mode de fonctionnement et leur culture comme jamais auparavant. Dans l’industrie, gestionnaires d’immeubles, architectes designers, fournisseurs de produits et services et dirigeants d’entreprises collaborent étroitement pour définir et cocréer les environnements de travail de l’avenir, afin de faciliter le retour au bureau et le redéploiement des places d’affaires et des centres-villes.

J’ai eu le plaisir de participer à la conférence du Studio IDU Ramener les employés au bureau - L'avenir des espaces à bureaux avec Sandra Heintz, directrice d’Index-Design, Michel Lauzon, président et CEO de LAAB et Vincent Hauspy, associé et designer d’intérieur chez Provencher_Roy. Voici quelques constats et réflexions qui ressortent de notre panel de discussion.

Le télétravail en quelques chiffres
Les résultats de l’étude réalisée par Léger Marketing pour le Sommet Infopresse et Index-Design en juin 2021 indiquent un essoufflement du télétravail, mais démontrent néanmoins clairement que ce mode de travail est enraciné. De façon générale, les 18 à 35 ans manifestent un plus grand désir de réintégrer les lieux physiques pour collaborer et réseauter alors que les 55 ans et plus ne veulent pas être forcés de retourner au bureau. 35% des répondants ont même indiqué qu’ils chercheraient un autre emploi en télétravail si on leur ordonnait un retour en présentiel. 

Les préférences de retour au travail parlent d’elles-mêmes : 40% indiquent vouloir travailler en mode hybride 50/50 (présence/virtuel) chaque semaine, 19% souhaitent se rendre sur leur lieu de travail qu’une ou deux fois par mois (lorsque vraiment nécessaire) et 19% veulent rester en mode 100% télétravail. Seulement 20% souhaitent retourner sur les lieux physiques à temps plein. Une opération « séduction » est indéniablement à prévoir par les entreprises. 

Créer une ambiance et des environnements qui donnent envie de revenir : de la conciliation travail-famille à la notion travail-plaisir.
Est-ce que mon employeur prend soin de moi? Est-ce que l’entreprise m’aide à grandir, à évoluer? Pourquoi je retournerais? La réalité, c’est qu’une vaste majorité d’individus retourne ces questions dans leur tête. Sous-estimer cela, de même que le stress et le deuil engendrés par le retour sur les lieux de travail, est une grave erreur. Les organisations doivent tenir compte de ces facteurs et faire preuve de créativité, d’innovation, d’empathie et d’inclusion. Il faut être attentif à toutes les dimensions de l’expérience humaine et renforcer la culture d’entreprise, notamment via le réaménagement des espaces. Concrètement, qu’est-ce que cela implique? 

Des espaces à géométrie variable
En plus de ne plus perdre un temps précieux en transport, les gens se sentent plus productifs chez eux. La tendance indique que le travail nécessitant concentration et analyse sera de plus en plus effectué à la maison, alors que l’espace entreprise est appelé à devenir un carrefour de rencontres et de collaboration. On retourne au travail pour voir ses collègues, pour la spontanéité du contact humain, pour créer. En somme, pour collaborer et innover.

L’ère de la densification des espaces en entreprise est révolue. Il faut redéfinir les fonctions et redistribuer les lieux de travail pour adapter ceux-ci au mode hybride, qui comportera son lot de défis, notamment au plan de la réorganisation des équipes et des espaces. Pourquoi avez-vous un bureau et à quoi sert-il? Profite-t-il vraiment à votre entreprise? Ces questions, toutes simples, sont un bon point de départ. 

En mode hybride, le parcours employé ne se vit plus entre 9h et 17h, mais sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Comment rallumer et maintenir le sentiment d’appartenance et de fierté? Ce sont des questions qui commandent une collaboration renforcée entre dirigeants, architectes designers, gestionnaires RH et responsables des communications.

Nous nous dirigeons vers plus d’espaces collaboratifs et modulables, et moins de bureaux fermés et spécifiquement attitrés. Bien sûr, certaines fonctions l’exigent, mais les organisations devront faire preuve de beaucoup de flexibilité et de créativité, et se doter de systèmes pour gérer l’attribution des espaces de manière optimale et facilitante. Les nouvelles solutions technologiques et produits de mobilier sur le marché les y aideront assurément.

La plupart des grands propriétaires et gestionnaires d’immeubles sont déjà à la tâche pour offrir une nouvelle expérience de vie dans leurs édifices et soutenir les entreprises locataires dans leur démarche, notamment en offrant de nouveaux services de proximité directement à l’intention de leurs employés. L’idée est de réunir les conditions pour créer de nouveaux milieux vie et de nouvelles communautés, pour éveiller le désir d’être présent et de participer. La présence des uns entraînera graduellement le retour des autres. C’est la loi de l’attractivité liée à la « peur de rater » (fear of missing out). Elle fera tranquillement son œuvre…

L’importance de planifier, d’écouter, de s’adapter
Il n’y a pas de solution unique. Chaque organisation doit évaluer la situation en fonction de sa réalité d’affaires, de ses capacités et de ses employés, mais une chose est certaine, toutes doivent faire preuve d’ouverture, prendre le pouls de leurs employés et ne présumer de rien. Il ne faut pas sous-estimer l’impact psychologique du retour. Le baromètre actuel, c’est vraiment l’employé. Il faut sonder ses besoins et ses envies, puis en tenir compte. Que veulent vos employés et qu’est-ce qui les fera revenir? Les attentes sont élevées et les marques employeurs distinctives vont devenir de plus en plus importantes, voire la règle du jeu.

Ne pas préparer le retour, « attendre et voir » comme le font plusieurs organisations actuellement est une erreur. Il faut s’y pencher dès maintenant, quitte à ajuster et peaufiner par la suite. Parler à son monde et préparer le retour le mieux possible en ayant des choses concrètes à proposer évitera bien des insécurités et des frustrations. Les entreprises ne doivent pas hésiter à mettre en place des projets pilotes, car ils démontrent proactivité et intérêt envers le bien-être de la personne.

Bien sûr, les propriétaires et les gestionnaires immobiliers sont appelés à jouer un rôle de premier plan et doivent soutenir ses initiatives. Nous avons tous intérêt à ce que le retour dans nos immeubles se passe bien. Ce n’est pas que l’affaire des entreprises locataires. Cette crise achève, mais elle n’est pas terminée. Il est temps plus que jamais d’unir notre savoir-faire et nos forces avec tous les acteurs clés de l’industrie immobilière pour redynamiser nos villes et participer à la relance économique du Québec.

Annik Desmarteau
Présidente
BOMA Québec