Dans l’affaire 9293-8018 Québec inc. c. Stern[1], la Cour supérieure a rejeté une action en dommages-intérêts parce que tardive et mal fondée.
Dans cette affaire, 9293-8018 Québec inc. (« Québec inc. ») réclamait près de 500 000 $ en dommages-intérêts à M. Robert Stern, actionnaire d’Olymbec, pour avoir fait défaut de passer titre en vertu d’une promesse d’achat que celui-ci avait acceptée.
Entre février et octobre 2012, les parties mènent plusieurs négociations — au cours desquelles des promesses d’achat et contre-offres sont échangées — afin de conclure la vente du Club de Golf Ste-Rose (le « Club de golf ») de Québec inc. à M. Stern. Selon la dernière promesse acceptée le 23 octobre 2012, l’acte de vente doit intervenir au plus tard le 1er novembre suivant pour un prix de 6 000 000 $. Cette promesse prévoit aussi un acompte non remboursable de 100 000 $ payable au plus tard le 28 octobre 2012 (soit cinq jours après l’acceptation de la promesse). Cette dernière date est importante.
Or, la vente n’a pas lieu le 1er novembre et l’acompte n’est pas versé. Un mois plus tard, Québec inc. met M. Stern en demeure de passer titre.
En décembre 2013, le Club de golf est finalement vendu à un tiers, le Groupe Immobilier Van Houtte inc., pour 6 000 000 $.
Le 23 novembre 2015, le demandeur dépose une action contre M. Stern au motif que ce dernier a commis une faute puisqu’il n’a pas respecté son obligation contractuelle d’acheter le Club de golf.
En défense, M. Stern allègue que :
- Québec inc. a fait de fausses représentations concernant le revenu généré par le Club de golf;
- son consentement a été vicié, car la situation financière du locataire, une considération qu’il juge essentielle, ne lui a pas été dénoncée;
- la dernière promesse d’achat prévoyait des conditions qui n’étaient pas accomplies à la fin du mois de novembre 2012;
- le locataire devait donner son accord sur certaines choses, mais cela n’a pas été fait;
- Stern bénéficie de l’immunité pré-constitutive, car sa société n’avait pas été constituée;
- subsidiairement, s’il était dans l’obligation de passer titre, les dommages ne lui seraient pas attribuables.
En plus de ces arguments, M. Stern réclame 20 000 $ pour abus de procédure et atteinte à sa réputation dans le milieu immobilier.
La juge Armstrong conclut que M. Stern a bien commis une faute en refusant de passer titre. Ceci étant, l’engagement de M. Stern de verser un acompte de 100 000 $ non remboursable à Québec inc. dans les cinq jours de la signature de la promesse d’achat empêchait cette dernière de réclamer autre chose.
En effet, en prévoyant un acompte non remboursable en cas de défaut, les parties ont convenu d’une clause pénale. Suivant l’article 1622 du Code civil du Québec[2] (« C.c.Q. »), cela signifie que les parties ont prévu à l’avance les dommages-intérêts dans le cas où l’acheteur ne passe pas titre. Selon le tribunal, les parties n’ont pas prévu inutilement que l’acompte ne serait pas remboursable ; elles ont inclus cette mention advenant que la transaction n’ait pas lieu. De surcroit, il ne peut s’agir d’une faculté de dédit, puisqu’il n’est pas prévu à la promesse d’achat que M. Stern peut se libérer de son obligation d’acheter en abandonnant l’acompte de 100 000$. Ainsi, la Cour stipule que lorsque l’acompte est non-remboursable, à moins d’indiquer clairement que le promettant acheteur peut se libérer de sa promesse, il faut conclure à l’existence d’une clause pénale.
En conséquence, il n’est pas possible pour Québec inc. de réclamer des dommages additionnels en plus de l’acompte non remboursable (i.e. la pénalité).
Par ailleurs, le tribunal conclut que Québec inc. a trop attendu avant d’intenter son recours en réclamation du paiement de l’acompte, celui-ci étant prescrit depuis le 29 octobre 2015. En effet, le droit d’action de Québec inc. a pris naissance à l’expiration du délai prévu pour son paiement, soit le 28 octobre 2012 et a pris fin trois ans plus tard, le 29 octobre 2015[3].
Bref, le golf enseigne la patience, mais ne peut rattraper le temps perdu.
Florence Peloquin, avocate
Iara Griffith, stagiaire en droit
[1] 2021 QCCS 52. La décision a été portée en appel en février 2021 (500-09-029345-212).
[2] RLRQ c CCQ-1991.
[3] C.c.Q., art. 2925.