La situation actuelle soulève une multitude de questions de la part des gestionnaires immobiliers et de leurs locataires : « Est-ce que le virus s’attrape dans l’air ? », « Est-ce que la filtration d’air est suffisante ? », « Est-ce qu’un entretien spécial doit être effectué sur les systèmes ? », « Est-ce que des coûts supplémentaires d’énergie sont à prévoir ? », etc. Le webinaire du 10 juin dernier présenté par le Réseau Énergie et Bâtiments en collaboration avec BOMA Québec a proposé quelques réponses à ces questions. Ce webinaire fut présenté par M. Eddy Cloutier (Bouthillette Parizeau), M. Roland Charneux (Pageau Morel) et M. Maxime Drolet (Ivanhoé Cambridge). Une version PDF de la présentation est disponible dans la section « Activités » du site Internet du Réseau Énergie et Bâtiments (reseaueb.com).
Principe de contamination et réduction du risque
La distanciation sociale est une des expressions les plus prononcées depuis quelques mois. Une distance de deux mètres entre les personnes est la distance requise pour que la très grande majorité des gouttelettes émises par une personne se déposent sur les surfaces avant d’être respirées par une autre personne. Selon les recherches actuelles, la transmission du virus par les gouttelettes serait le principal moyen de transmission. Les gouttelettes sont émises lorsqu’une personne tousse, éternue, cris, respire, chante ou parle. Plus une personne entre en contact avec d’autres personnes, plus les risques de contamination sont élevés. Une personne travaillant à un bureau fixe sera moins à risque qu’une personne travaillant dans la vente au détail.
La dose de SRAS CoV-2 requise pour infecter une personne et provoquer la COVID-19 n’est actuellement pas connue. Elle s’exprime par le résultat de l’intensité de la contamination multiplié par la durée de l’exposition. Il sera difficile pour un gestionnaire immobilier de limiter le facteur « durée de l’exposition » lors du retour des locataires dans leurs espaces de travail. Par contre, il pourra plus facilement réduire le facteur « intensité de la contamination », notamment en diluant les contaminants par l’apport d’air extérieur dans les bâtiments et en réduisant les contaminants par la filtration de l’air.
Ventilation et apport d’air extérieur
Il est reconnu qu’un individu atteint de la COVID-19 peut générer d’importantes charges virales dans l’air intérieur (Buonanno et al., 2020). Dans ce contexte, l’application d’une bonne ventilation constitue une recommandation d’usage des organismes compétents pour extraire les contaminants de l’air intérieur et pour assurer leur dilution par l’apport d’air extérieur, et ce, peu importe le type d’habitation ou de lieu de services (CDC, 2020a; ASHRAE, 2020a). Les principales recommandations ont été regroupées selon les types de systèmes de ventilation. Pour les systèmes à recirculation centrale de type refroidissement gratuit, les recommandations sont :
- Faire fonctionner les systèmes à leur vitesse nominale deux heures avant l’arrivée des occupants.
- Faire fonctionner les systèmes à basse vitesse deux heures après le départ des occupants.
- Pour les systèmes modulant l’apport d’air extérieur, abaisser le point de consigne de CO2 à 400 ppm.
- Maintenir les systèmes d’évacuation des toilettes en opération continue (24 heures, 7 jours par semaine).
- Pour une distribution à débit variable, alimenter à la plus haute température possible afin de maximiser la circulation de l’air neuf dans les locaux.
Pour les systèmes à minimum d’air extérieur ou de type ventilo-convecteur avec apport d’air extérieur, les recommandations sont :
- Pour les systèmes modulant l’air neuf, abaisser le point de consigne de CO2 à 400 ppm et maintenir les systèmes en opération continue (24 heures, 7 jours par semaine). Les systèmes peuvent être à débit réduit en période inoccupée.
- Maintenir les systèmes d’évacuation des toilettes en opération continue (24 heures, 7 jours par semaine).
- Pour une distribution à débit variable, alimenter à la plus haute température possible afin de maximiser la circulation de l’air neuf dans les locaux.
Pour les systèmes de type ventilo-convecteur sans apport d’air extérieur, il est recommandé d’arrêter les systèmes et de ne pas utiliser les locaux qu’ils alimentent. Les ventilateurs individuels sur pieds ou de bureau devraient aussi être mis à l’arrêt afin de ne pas propulser des gouttelettes contaminées sur d’autres personnes. Au niveau des stationnements intérieurs, la ventilation devrait être mise en marche deux heures avant l’arrivée des premiers usagers. Les équipements de récupération d’énergie tels que les roues thermiques peuvent demeurer en opération.
L’application de ces recommandations aura un impact sur les coûts d’opération des systèmes. La quantité d’air extérieur alimentée dans les bâtiments sera augmentée, tout comme le temps d’opération des systèmes, ce qui fera augmenter les coûts d’énergie. Par exemple, pour un immeuble utilisant des systèmes centraux à refroidissement gratuit, le coût annuel supplémentaire en énergie serait d’environ 1,85 $ par mètre carré. Pour un immeuble avec des systèmes d’apport d’air extérieur alimentant des ventilo-convecteurs d’étage, l’augmentation serait d’environ 1,12 $ par mètre carré.
Filtration et nettoyage des systèmes
La taille du virus SRAS-CoV-2 est d’environ 0,1 µm, ce qui est similaire à la taille de la majorité des virus. La norme ASHRAE 52.2-2016 recommande pour cette taille de particule l’usage de filtres de niveau MERV 13. Ils sont adéquats pour le contrôle des virus et des gouttelettes en suspension. L’ajout de filtres MERV 13 dans les systèmes de ventilation va créer une perte de pression supplémentaire qui devra être compensée par une augmentation de la puissance des ventilateurs. La dépense énergétique supplémentaire sur un an sera d’environ 0,83 $ par mètre carré.
Il ne semble pas avoir d’avantages à modifier les pratiques de nettoyage des conduits de ventilation durant la pandémie. Les plans d’entretien existants peuvent demeurer en vigueur. Même constat au niveau de la fréquence de remplacement des filtres. Les fréquences recommandées d’avant COVID-19 sont toujours valides. Par contre, des mesures de protection supplémentaires devraient être prises lors du remplacement des filtres : les systèmes devront être à l’arrêt, les filtres devraient être disposés dans des sacs scellés et la personne effectuant le remplacement devrait avoir des gants jetables, une protection oculaire et une protection respiratoire N95.
Humidification
Une humidité relative de moins de 40 % contribue potentiellement à la transmission des virus, ce qui explique en partie pourquoi les virus de la grippe et du rhume reviennent chaque hiver. La majorité des bâtiments commerciaux maintiennent le taux d’humidité relative entre 20 % et 30 % pour éviter des problèmes de condensation sur l’enveloppe extérieure et pour réduire les coûts d’énergie. Si le bâtiment peut accepter une humidité relative de 40 % jusqu’à une température extérieure de -10 °C, c’est 85 % du temps hivernal qui sera dans des conditions d’humidité qui réduisent le temps de vie des virus. Cette modification au contrôle de l’humidification entrainera une augmentation du coût annuel en énergie d’environ 0,49 $ à 0,88 $ par mètre carré.
Yan Ferron, ing., P.Eng., M.Env., RCx
Concepteur certifié Bâtiment passif, directeur et associé
Pageau Morel et associés inc.
Membre du comité Gestion technique intégré de BOMA Québec.