Dans le cadre d’un litige l’opposant à son locataire, l’une des meilleures procédures judiciaires à la disposition du bailleur pendant l’instance sera l’ordonnance de sauvegarde.
En effet, ce recours extraordinaire lui permet, dans certaines circonstances, d’obtenir le paiement du loyer dû mensuellement, en tout ou en partie, et d’éviter que son locataire n’exploite des lieux gratuitement jusqu’à ce que leur différend soit entendu par le tribunal dans un, deux ou trois ans (voire plus).
Cela dit, bien que ce recours soit généralement fort utile pour le bailleur, son octroi est loin d’être automatique.
Par exemple, dans la récente décision Maiorino c. Garderie des petites étoiles Nour et RYM Inc.[1], l’honorable juge Marie-Christine Yvon, J.C.S. a refusé d’émettre une telle ordonnance suivant son analyse des critères applicables (soit l’urgence, l’apparence de droit, le préjudice irréparable et la balance des inconvénients).
Deux motifs sont principalement évoqués dans le jugement de cette dernière :
- le bailleur a attendu 5 mois avant d’entreprendre son recours et de demander l’émission d’une ordonnance de sauvegarde, les loyers de février à juin étant alors échus. Selon la juge, cette attente constituait une admission de la part du bailleur voulant que l’absence de paiement par le locataire ne représentait pas une réelle situation d’urgence; et
- le locataire a quitté les lieux loués à compter du mois de février 2019, cessant à ce moment de payer son loyer. Partant, la juge estime qu’en absence d’un locataire dans les lieux loués, le bailleur peut poursuivre toutes les démarches nécessaires pour trouver un nouveau locataire. Il ne s’agit donc pas d’une situation où le locateur finance les activités du locataire.
Bien qu’il ne doit pas automatiquement judiciariser toute situation d’arrérages de la part d’un locataire, le bailleur devrait néanmoins retenir de cette décision la nécessité d’agir avec diligence avant d’entamer son recours. À défaut, la Cour pourrait y voir une admission d’absence d’urgence et refuser l’émission d’une ordonnance de sauvegarde.
De même, lorsqu’un locataire déguerpit des lieux loués, la Cour n’émettra tout simplement pas d’ordonnance de sauvegarde, à moins de circonstances absolument exceptionnelles. Le bailleur devra donc prendre son mal en patience et attendre quelques années avant de récupérer son dû, le cas échéant.
François Nantel
Avocat
Cain Lamarre
[1] 2019 QCCS 4640.