Si vous avez déjà négocié ou eu recours aux formulaires types de baux de grands propriétaires, vous avez sans doute remarqué vers la fin de ceux-ci ces clauses génériques que l’on retrouve systématiquement. Pensons à la clause d’élection de for (pour déterminer le lieu et la loi sous lesquels un conflit sera interprété et résolu), à la clause de délai de rigueur ou encore à la clause d’intégralité, à laquelle nous nous intéresserons ici.
La clause d’intégralité prévoit généralement que chacune des représentations faites au locataire est incluse au bail (qu’il n’en existe donc aucune autre, verbale ou implicite) et que ce dernier ne pourra être modifié que par écrit entre les parties.
En incluant une telle clause au bail, le bailleur entend limiter les recours d’un locataire qui serait, par exemple, déçu de l’achalandage ou qui prétendrait bénéficier d’une exclusivité consentie verbalement par le bailleur dans le cadre des négociations.
Il sera donc très important pour le locataire de s’assurer que tous les éléments essentiels et discutés soient inclus à son bail avant de signer celui qui contient une telle clause.
Par contre, cette clause dite d’intégralité a ses limites.
En effet, dans un récent jugement de la Cour supérieure rendu par l’honorable Paul Mayer[1], un locataire prétendait avoir conclu une entente avec son bailleur selon laquelle le bail les liant pouvait être résilié par simple avis, le bailleur ayant l’intention de redévelopper son immeuble de toute façon.
Sans reprendre chacun des arguments avancés par le bailleur, celui-ci a invoqué d’emblée sa clause d’intégralité, soumettant au tribunal que le locataire avait renoncé contractuellement à faire toute preuve d’entente verbale, incluant quant à la soi-disant résiliation du bail.
Or, le magistrat (spécialisé dans les baux alors qu’il pratiquait comme avocat) a profité de son jugement pour faire une analyse fort détaillée de ce type de clauses et en a tracé les limites.
Ainsi, se fondant sur les articles 6, 7 et 1375 du Code civil du Québec (lesquels prévoient l’obligation d’agir de bonne foi en matière contractuelle), le juge a conclu qu’une partie ne peut unilatéralement soulever et opposer à la partie adverse la clause d’intégralité lorsqu’elle sait pertinemment qu’une entente verbale a réellement été conclue.
Un tel argument relèverait en effet de la mauvaise foi.
Le juge s’est ainsi assuré que le bail (notamment par sa clause d’intégralité) ne devienne pas un outil d’exploitation ou soit utilisé à l’encontre des principes de justice fondamentale.
Au final, le juge a écarté la clause d’intégralité et fait droit à une preuve d’entente testimoniale.
Somme toute, en matière de location commerciale, chaque intervenant se doit de connaître les limites des clauses types et génériques telles que l’élection de for ou l’intégralité, mais également de faire preuve de raisonnabilité et de bonne foi dans leur usage et ce, indépendamment de leur force apparente.
François Nantel, avocat
Cain Lamarre Avocats et notaires
[1] Développement Olymbec inc. c. Avanti Spa de Jour inc., 2019 QCCS 1198.